Voyageurs sans bagages
L'évacuation des colonies de Gaza, dans le respect des engagements pris par le Gouvernement israélien m'avait donné le fol espoir d'une paix enfin possible entre israéliens et palestiniens. Deux peuples sur une même terre... L'éternel conflit, l'éternel débat. Qui est légitimé? Qui ne l'est pas? Une étape semble pourtant franchie. Peu de voix s'élèvent pour contester encore aujourd'hui le droit du peuple palestinien à vivre en paix sur une terre qui lui appartiendrait en toute légalité. Et puis, comme un mauvais rêve, un scénario trop connu se déroule à nouveau. Attaques, ripostes, enterrements. Mères qui pleurent des deux côtés de la frontière... Alors j'ai voulu sur ce site dont j'assume la pleine responsablité, non pas donner un point de vue partial mais vous offrir ma propre vision de ce que représente la terre d'Israël à mes yeux, sans nier,jamais, le voisin, cet autre si proche, à qui j'aimerai pouvoir un jour tendre une main fraternelle et qu'il me la rende...
A la fin de l’hiver prochain, comme presque tous les ans, je retournerai en Israël ... Comment expliquer cet étrange sentiment de brisure permanente, alors que- j'ai quitté Israël depuis 5 ans déjà et que, depuis, mon âme est en errance permanente, divisée entre mes deux appartenances? La France est la source première de la fin de la dérive des survivants.de ma famille, c'est la culture et la langue que j'ai reçues en partage à la naissance.
Israël est cette espérance mythique, ce souffle transgénérationel. qui m'a portée un jour à essayer de faire souche sur sa terre et d'en repartir pourtant, en laissant derrière moi des sentiments antagonistes. Mais le lien est si fort que me voilà régulièrement en partance pour l'autre côté de moi-même.
D'Israël, mon père aimait infiniment le soleil, ce soleil si particulier, si intense et omniprésent, qu'il devait le réparer des années de froid et d'horreur des plaines de Haute-Silésie, où son adolescence s'était à jamais brisée.
D'Israël, j'aime, entre autres, entre tant d'autres, l'intensité du regard de ceux que l'on rencontre. Vivre, vivre vite, vivre chaque jour comme s'il devait être le dernier, vivre en état d'urgence absolue. Regarder son enfant partir, à l'armée, à l'école, ou pour un ailleurs dont on ne maîtrise plus les contours. Le regarder, pour lui bâtir un rempart d'amour ... Dans ce regard-là, que j'ai perçu si souvent, passent toutes les souffrances de ceux qui habitent au cœur d'une tourmente. Reverront-ils à la fin du jour la silhouette de l'être aimé avancer sur le chemin ? Devront-ils le porter en terre, selon un scénario mille fois répété ? Il n'y a aucun mot susceptible d'approcher, seulement d'approcher la réalité quotidienne des habitants d'Israël. Bien sûr, il y a dans le monde tant d'autres conflits, mais celui-ci, celui qui touche au cœur notre peuple, en quête de racines depuis la nuit des temps, celui-ci précisément m'est violence et douleur.
Alors, vous raconter mon voyage, tous mes voyages en Israël ? Ces quelques jours hors du temps à Tel-Aviv ou à Jérusalem ? Vous dire que je ne suis jamais là en touriste, que je n'ai ni ressenti la douceur du temps, ni marché sur le sable l'esprit serein. Vous parler de cette cousine, psychologue à l'hôpital Schneider de Petah Tikva, qui tente de réparer les âmes brisées de milliers d'enfants dont les parents sont en un instant devenus poussière d'étoile ? ... Vous raconter nos promenades sur la " tayelet " à nouveau envahie par les touristes du monde entier, (Israël devient la destination préférée des touristes chinois!!!), son désespoir de ne pouvoir arrêter la folie des hommes, de quelque côté de la frontière qu’ils soient, qui tuent pour des raisons obscures, laissant derrière eux la vie en éclats ...
Sylviane Sarah Oling "adapté d'un article que j'avais publié en 2003 dans Kol a Yona (le journal de la CJL Rhône-Alpes)"