Concevoir la vie... Puis l'ôter.
Comment peut-on concevoir un enfant, exister avec une autre vie qui s'installe en nous, dans le déni le plus absolu, puis dans un geste que je me garderais de tenter d'analyser, abstraire de ce monde-ci cette vie en devenir? L'acte fou, au sens premier du terme, de Véronique Courjault, par trois fois renouvelé, me plonge dans un profond malaise. Si on considère sur le plan éthique que, dès la conception, l'être en devenir possède déjà au coeur de la cellule fécondée, le patrimoine génétique de ses deux parents, et une histoire mémorielle en filigrane, mon malaise se renforce. Il me ramène à ce vicéral manque d'enfant, qui jamais ne s'est comblé, de l'enfant de l'enfant non né et de toute la lignée devenue inféconde de cet absent-là. Il me conduit de nouveau sur les terres violentes de Pologne où un pan de mon histoire familiale a été à jamais anéanti, parce que les étincelles qui le composait ont été définitivement empêchées d'être semeuses de vie et de promesse d'avenir.
Au delà du geste de Véronique Courjault, c'est une tragédie bien plus large qui se dessine, celle d'un monde peuplé d'absents irremplaçables qui ne feront jamais souche. Et celà, cette vérité nue là, m'est violence