Prendre un train à Bombay...
Bombay s'est réveillée ce matin avec un goût de cendres et de feu. Hier, dans cette mégalopole de 16 millions d'habitants, des terroristes se sont arrogés une nouvelle fois le droit de vie et de mort sur des êtres qu'ils ne connaissaient pas. Que leur avaient fait ces centaines d' hommes, de femmes et d'enfants qui ne se sont pas relevés après l'explosion du train dans lequel ils étaient montés en toute insouciance? De quelle légitimité ces obscurs assassins vont-ils se parer en revendiquant, s'ils les revendiquent, les attentats commis avec l'intention manifeste de faire le plus de victimes possible? Et que dire des blessés qui devront survivre après ce chaos? Pour avoir vécu moi-même la proximité terrifiante d'un attentat, à Tel-Aviv, et n'en avoir été "que" traumatisée par le bruit de l'explosion, puis m'être trouvée au coeur d'une rue après une explosion au gaz, au milieu des blessés et des morts, je sais qu'on ne guérit pas d'un tel traumatisme. Avec le temps, il se distancie, mais une part intime de notre insouciance reste à jamais brisée.
Et mes pensées ce matin, dans une dérisoire empathie, vont à ces passagers des gares de Bombay pour lesquels une partie de leur monde s'est assombrie pour longtemps. Il leur faudra bien plus que des pansements et des gestes médicaux pour évacuer les images terribles qu'ils ont du affronter. Demain un autre attentat, dans une autre partie de notre planète, focalisera l'attention sur d'autres victimes. Ainsi va notre monde. Cependant, gardons-nous d'oublier un instant que nul n'est à l'abri d'une telle tragédie. A défaut d'être rempart contre les terroristes, nous pouvons l'être contre l'indifférence, ou le sentiment de fatalisme qui peut nous gagner parfois. Une victime, qu'elle soit de Bombay, ou de n'importe quel autre pays est une parcelle de l'humanité qui s'éteint.