Deux hommes d’église. Deux conceptions du Monde. Ou… Quand l’un offense la mémoire des millions de morts dans les camps de concentration nazis, l’autre élève et illumine…
Au-delà du débat sur l’annulation, le 21 janvier dernier, au nom du pape Benoît XVI, de l’excommunication de quatre évêques intégristes ordonnés en 1988 par Mgr Marcel
Lefebvre, c’est la posture d’un de ces évêques qui pose violemment question.
Qui est Mgr Richard Williamson ? Qui est cet homme censé représenter la parole du Divin et de la bouche duquel se sont échappés de tels mots : « "Je crois qu'il n'y a pas eu de
chambres à gaz (...) Je pense que 200.000 à 300.000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz » ? Ces propos ouvertement négationnistes,
qui, en France, seraient sanctionnés au nom de la Loi Gayssot, obligent encore et toujours à s’interroger sur l’âme humaine. Et que ce soit un évêque qui les prononce amplifie le malaise. Et
soulève une question essentielle à mon sens : « Qu’est ce que la Foi ? » N’est-elle pas aussi exigence de vérité, envers soi-même d’abord, mais, surtout, envers le monde dans lequel Mgr Williamson exerce son Ministère ? Ce monde qui a certes produit cette monstruosité que fut
l’extermination au nom d’une pure idéologie, de millions de victimes expiatoires, mais qui a aussi produit des Eveilleurs de conscience…
Je veux parler là du deuxième homme d’Eglise, celui qui élève, le Père Emile Shoufani, un palestinien, représentant de l’Eglise grecque-melkite
d’Israël, qui dirige à Jérusalem l'école secondaire Saint-Joseph. Surnommé le « curé de Nazareth », le Père Emile Shoufani a élaboré en 1988 le
projet « Education pour la paix, la démocratie et la coexistence », qu’il a mis en œuvre dans le collège qu’il dirige depuis 1976. Il s’est efforcé de rapprocher Arabes et Juifs en jumelant son
établissement avec l’école juive Lyada de Jérusalem et en développant les échanges scolaires.
Le Prix UNESCO de l’éducation pour la paix vient d’ailleurs de lui être décerné.
Au nom de sa foi, celle qui illumine, il a organisé avec le Français Jean Mouttapa un voyage de quatre jours à Auschwitz, à la tête d'une centaine d'Arabes
chrétiens, musulmans et incroyants, puis d’autres ont suivi. A chaque fois, ceux qui en reviennent transformés, après avoir foulé la terre d’Auschwitz, deviennent eux-aussi des lumières éclairant
la nuit de l’obscurantisme, qui malheureusement, règne encore parmi certains hommes.
Au cours d’un entretien avec Régis Debray*, le Père Chouffani lui déclarait «, j'ai voulu faire entrer mes amis arabes dans les lieux de la communion et de la souffrance juives, pour qu'ils
puissent ressentir, ne serait-ce qu'un moment, la fraternité des cavernes. Et se mettre à la place de leurs voisins. Après l'Intifada, un kaddish à Birkenau, c'était nécessaire ».
Que doit-on retenir de tout cela ? Que, pour que le monde soit un peu plus harmonieux, ce sont les voix résonantes de gravité et d’amour d’êtres éclairés comme celle du père Emile Shoufani qu’il faut mettre en avant. Et espérer que toutes les autres voix dissonantes, celles de Faurisson, de Dieudonné et de tant d’autres, dont cet évêque n’est malheureusement qu’un exemple de plus, deviendront in-audibles…
*Régis Debray « Un candide en terre sainte » paru chez Gallimard