Aux messagers d'intolérance...
Après l'"incident" survenu dimanche soir 9 octobre sur le plateau d'"On ne peut pas plaire à tout le monde", j'ai longtemps hésité entre le désir de ne pas surenchérir dans l'absurdité des provocations de Dieudonné et la volonté de mettre mon grain de sel, juste pour ne pas cautionner par lassitude ou par un lachez-prise peu productif. Puis m'est revenue la bouffée d'incompréhension et de malaise que j'avais ressentie lorsque j'avais été confrontée en novembre 2003 à une librairie des environs de Toulon. Ce refus de ma présence pour une séance de signature, présence sollicitée pourtant peu auparavant par cette même librairie, avait généré un premier billet d'humeur que les colonnes de Kol A Yona avaient accueillies et que je vous livre ici:
Poètes...vos papiers !
Je savais que l'écriture pouvait être une arme redoutable... Je ne savais pas, par contre, que j'étais porteuse d'une telle puissance... Bien modestement, je croyais mettre des mots en résonance, pour qu'ils soient harmonie et partage. Je n'ai jamais pris mes romans pour des champs de bataille, ou des territoires hostiles. J'avais réservé cette charge là pour mes combats de journaliste, ouvertement affichés, contre des adversaires qui avaient toute latitude pour me contrer...
Et pourtant, l'écrivain que je suis représente un danger pour certains. Une librairie proche de Toulon devait m'accueillir ce mois-ci , pour une séance de dédicaces. L'accueil avait été chaleureux, cette libraire avait commandé, et lu, mes livres. Mon éditeur, comme à chaque manifestation d'un de ses auteurs, a contacté la librairie, pour l'aider à médiatiser l'événement. Radio Shalom Marseille était pressenti, entre autres, pour faire une intervention.
Soudain réveil de la libraire qui m'envoie un courrier pour annuler la signature, pour des prétextes fumeux, dont, entre autres, le " refus d'une quelconque ingérence dans cette librairie, qui doit rester un lieu de paix ". Il était question également de " la situation actuelle, qui fait, hélas, que l'on ne peut être dans un camp, sans en blesser un autre "…La libraire avait soudain pris conscience que l'écrivain qu'elle allait recevoir avait dissimulé une étoile jaune au cœur de ses livres...
Avec beaucoup de courage, mon éditeur, Evelyne Penisson, des Editions du Cosmogone, est montée au créneau pour défendre la liberté d'expression et ses choix éditoriaux. Elle a répondu point par point à cette libraire, précisant, entre autres, que " le rôle du libraire n'est pas de choisir, mais d'accueillir les livres, qu'une librairie est, par nature, un lieu de culture et de diversité… Si votre " lieu de paix " est épuré, nettoyé, aseptisé, vous ne respectez pas la déontologie de la Charte des Libraires. Vous serez sans doute au nombre de ceux qui dénonceront bientôt la dérive communautariste que vous encouragez par une attitude lâche et absurde..."
Cet incident me laisse au cœur un violent sentiment de malaise. Je pense en ce moment à mon père, qui, après 4 années a Auschwitz, avait toujours la force de m'encourager dans mon engagement pour la transmission de la mémoire. C'est ce que j'essaye de faire dans mes écrits, transmettre, dans l'universalité…Et je n'ai pas l'intention d'arrêter.
Nous devons les uns et les autres être plus que jamais vigilants, devant ces manifestations de peur larvée, bien plus subversives encore que celles qui avancent sans masques. . Ce qui m'arrive aujourd'hui, et qui peut sembler anecdotique à certains, laisse simplement présager du climat délétère qui s'installe en France.