On ne dévore pas son semblable!
Hier, j'ai appris par les médias le récit hallucinant d'un détenu dans une prison française qui aurait tué, en le "dévorant", son co-détenu. Et j'ai réfléchi à ce tabou absolu, à la fois éthique et moral. On ne dévore pas son semblable! Ni un animal familier, ni un poisson nageant à contre-courant dans notre aquarium, tous investis d'une charge affective et émotionnelle qui les distancient d'une possible consommation. Ce qui ne retient cependant pas nombre d'entre nous de mitonner un poisson "anonyme" ou un lapin que nous n'avions jamais vu gambader avant qu'il ne s'invite dans notre cuisine.
On ne dévore pas son semblable... Au sens premier du terme... Hors du champ du pathologique. Ce qui s'est certainement produit pour ce détenu, ayant vraisemblablement perdu tous repères humains. Mais il y a d'autres formes d'anthropophagie. Plus diffuses, plus difficiles à identifier. Lequel d'entre nous ne s'est-il pas senti un jour "cannibalisé" par quelqu'un qui avait envahi son territoire, sa vie, ses pensées? Souvent en confondant ce qui est nommé comme étant de l'amour absolu et qui peut dégénérer dans une volonté de possession mortifère. L'autre est alors "dévoré" symboliquement et parfois détruit physiquement. Au nom du principe du "Tu es à moi et à personne d'autre".
Nous avons un besoin essentiel et existentiel d'être aimés, reliés à nos semblables. Lorsque nous n'avons pas reçu cet amour en partage dès l'enfance, ou qu'il nous a été ôté, le manque peut être si violent que lorsque un autre vient le combler, nous pouvons parfois nous illusionner cruellement. Mais toutes les histoires d'amour ne finissent pas tragiquement! Et sans l'amour, l'espérance de le trouver, l'apaisement de le partager, que deviendrions-nous? Entre se faire dévorer ou être seul face à l'echo de sa douleur, il existe des chemins de traverse, illuminés de rencontres, éphémères ou engageantes, qui font de notre vie une terre bonne à cultiver.